Alcaloïde
Les plantes dont sont issus les alcaloïdes les plus utilisés sont la belladone (atropine), le pavot (morphine), la pervenche de Madagascar (vinblastine), etc
Le terme alcaloïde dérive de alcali, "base" et du suffixe-oïde, "comme, semblable à".
Il vient du latin du Moyen Âge alkali, emprunté lui-même à l'arabe al qate, al qali "la soude", plante du genre Salsola dont on a extrait pendant longtemps du carbonate de sodium.
Qu'est-ce qu'un alcaloïde?
Les alcaloïdes sont des molécules organiques hétérocycliques (dont un atome ou plus d'un carbocycle est remplacé par un hétéroatome comme l'oxygène, l'azote, le phosphore, etc...) azotées basiques pouvant avoir une activité pharmacologique.
On trouve des alcaloïdes, en tant que métabolites secondaires, principalement chez les végétaux, les champignons et quelques groupes d'animaux peu nombreux.
Les alcaloïdes sont extraits de plantes qui appartiennent principalement à quatre familles botaniques : les papavéracées, les papilionacées, les renonculacées et les solanacées.
Les plantes dont sont issus les alcaloïdes les plus utilisés sont la belladone (atropine), le pavot (morphine), la pervenche de Madagascar (vinblastine), etc.
Habituellement, les alcaloïdes sont des dérivés des acides aminés.
Bien que de nombreux alcaloïdes soient toxiques (comme la strychnine, la nicotine ou l'aconitine), certains sont utilisés dans la médecine pour, par exemple, leur propriétés analgésiques (comme la morphine, la codéine), dans le cadre de protocoles de sédation (anesthésie) souvent accompagnés d'hypnotiques, ou comme agent antipaludéen (quinine, chloroquine) ou agent anticancéreux (vinblastine, vincristine). Certains combattent l'excès d'acide urique (colchicine), d'autres sont utilisés comme substance paralysante (curare, caféine), comme stupéfiants (cocaïne, mescaline), comme cholinergique (pilocarpine).
Il existe un type d'alcaloïdes contenant deux atomes d'azote dans le noyau aromatique et qui n'est pas d'origine naturelle, c'est le groupe des pyrazoles.
Tous les alcaloïdes portent une terminaison en "ine", comme l'atropine, l'ergine ou la morphine.
Comment détecter des alcaloïdes?
Les alcaloïdes ont la propriété de former des sels et d'avoir un goût amer.
La détection de la présence d'alcaloïdes peut se faire par précipitation à l'aide de :
- Réactif silicotungstique : réactif de Bertrand
- Réactif phosphotungstique : réactif de Scheibler
- Réactif phosphomolybdique : réactif de try-Sonenschein
- Réactif phosphoantimonique : réactif Schulze
- Iodure de potassium : réactif de Bouchardat
- Tétraiodomercurate de potassium : réactif de Valser-Mayer
- Iobobismuthate de potassium : réactif de Dragendorff
- Iodoplatinate de potassium
- Acide picrique
- Tanins
D'autres méthodes comme la chromatographie sont également utilisées pour identifier et doser la molécule.
Comment extraire des alcaloïdes?
Les alcaloïdes se trouvent le plus souvent sous forme de sels d'acides minéraux ou organiques, et parfois leur combinaison (notamment les tanins), on pulvérise les plantes avec un alcalin. Leur mode d'extraction est très variable selon la nature de l'alcaloïde, mais on trouve habituellement deux schémas d'extraction : l'un par solvant apolaire (dont le barycentre des charges positives et celui des charges négatives coïncident, la répartition des charges est symétrique) en milieu alcalin ou par un solvant polaire (dont les deux barycentres ne coïncident pas, il y a dans la molécule deux pôles distincts, de charges opposées) en milieu acide.
Par solvant apolaire en milieu alcalin
- La plante sèche est pulvérisée et humectée avec une solution aqueuse alcaline (chaux, l'ammoniaque NH4+OH-, soude pour déplacer les bases fortes).
- Extraction avec un solvant organique non polaire.
- Le marc est éliminé.
- La solution organique (alcaloïdes, lipides, pigments...) est conservée.
- Concentration par un chauffage doux, ou par un évaporateur rotatif.
- On réalise sur le concentré un épuisement par un acide dilué (généralement on utilise l'acide sulfurique 0.5N), puis on procède à une extraction (liquide-liquide).
- La solution aqueuse acide est alcalisée.
- Réalisation d'un nouvel épuisement par un solvant organique non miscible (éther, chloroforme, xylène).
- On obtient une solution organique alcaloïde, qu'il faut alors concentrer par évaporation.
- On obtient alors un résidu d'alcaloïdes bruts.
Par alcool acide
- La plante sèche est pulvérisée en présence d'alcool acide.
- On procède à une lixiviation (technique d'extraction de produits solubles par un solvant, et notamment par l'eau).
- Le marc est rejeté.
- La solution extraite (alcaloïdes, amines, résines, pigments) est évaporée.
- Cette solution est reprise par un acide dilué (la solution aqueuse acide obtenue contient des sels d'alcaloïdes impurs).
- La solution aqueuse acide est alors alcalinisée pour saponifier les sels d'alcaloïdes.
- On procède ensuite à l'épuisement par un solvant non miscible (ether, xylène, chloroforme).
- On sépare la solution organique d'alcaloïdes.
- On évapore cette solution pour obtenir un résidu d'alcaloïdes bruts.
Pour terminer, on procède aux réactions de précipitation des alcaloïdes pour vérification.
Classifications
On estime actuellement que plus de 8 000 composés naturels ont été identifiés comme alcaloïdes. Chaque année, une centaine de nouvelles molécules seraient ajoutées par les scientifiques du monde entier. Afin de pouvoir maitriser cette grande liste, trois types de classification des alcaloïdes ont été proposées suivant :
- leurs activités biologiques et écologiques
- leurs structures chimiques
- leurs voies de biosynthèse
La classification structurale
Les alcaloïdes ont longtemps été catégorisés et nommés en fonction du végétal ou de l'animal dont ils étaient isolés. Depuis le XXIe siècle, ils sont catégorisés en fonction de leur structure chimique :
- Groupe des Azolidines (pyrrolidines) : Aniracetam, Anisomycine, CX614, Dextromoramide, Diphenyl prolinol, Acide Domoic, Histapyrrodine, Acide Kainic, Methdilazine, Oxaceprol, Prolintane, Pyrrobutamine, hygrine, cuscohygrine.
- Groupe des Azines : pipéridine, conicine, trigonelline, arecaidine, guvacine, pilocarpine, cytisine, nicotine (ex : en grande concentration dans les feuilles de tabac), spartéine, pelletierine.
- Groupe des Tropanes : atropine, hyoscyamine, cocaïne, ergonine, scopolamine.
- Groupe des Quinoléines : Acridine, Acide bicinchoninique, Broxyquinoline, Chlorquinaldol, Cinchophen, Clioquinol, Dequalinium, Dihydroquinine, Dihydroquinidine, Hydroxychloroquine, 8-Hydroxyquinoline, Iodoquinol, Acide Kynurenique, Méfloquine, Nitroxoline, Oxycinchopen, Primaquine, Quinine, Quinidine, TSQ, Topotecan, Acide Xanthurenic, Strychnine (découverte en 1818), Brucine, Vertrine, Cevadine, Echinopsine.
- Aminoquinolines : Chloroquine, Hydroxychloroquine, Primaquine.
- 8-Aminoquinolines : Primquine, Tafenoquine, Rhodoquine, Pamaquine.
- Groupe des Isoquinolines : dimethisoquine, quinapril, quinapirilat, debrisoquine, 2,2'Hexadecamethylenediisoquinolinium kichloride, N-laurylisoquinolinium bromide, narcéine, hydrastine, berbérine.
- Les acaloïdes de l'opium :
- Naturels : Morphine (ex : soporifique, calmant), Codéine (ex : utilisé contre la toux), Thébaïne, Papavérine, Narcotine, Noscapine.
- Semi-synthétiques : Hydromorphone, Hydrocodone, Héroïne.
- Synthétiques : Fentanyl, Pethidine, Methadone, Propoxyphène.
- Groupe des Phényléthylamines (ce ne sont pas des alcaloïdes au sens propre, même si régulièrement classés comme tels) : MDMA, méthamphétamine, mescaline, éphédrine.
- Groupe des Indoles :
- Tryptamines : DMT, NMT (monométhyltryptamine), psilocybine, sérotonine, pseudophrynamine.
- Ergolines : les alcaloïdes de l'ergot de seigle (ergométrine, ergotamine, ergosine, ergovaline, ergokryptine, ergocornine, ergocristine, acide lysergique, etc.), ergine, LSD ...
- Bêta-carbolines : harmine, yohimbine, réserpine, émétine.
- Groupe des Purines :
- Xanthines : caféine (découverte en 1819), théobromine, théophylline.
- Groupe des Terpénoïdes :
- Les alcaloïdes de l'aconit napel : aconitine.
- Solanidine, Solasodine, Batrachotoxine, Delphinine.
- Stéroïdes : solanine, samandarin.
- Groupe des Bétaïnes (composés d'ammonium quaternaire, ce ne sont pas des alcaloïdes au sens propre, même si régulièrement classés comme tels) : muscarine, choline, neurine.
- Groupe des pyrazoles
La classification biogénétique
Les alcaloïdes peuvent être classés en fonction de leur précurseur avant leur synthèse dans une voie biologique. On distingue alors trois grandes classes selon qu'ils possèdent ou non un acide aminé comme précurseur direct, et qu'ils comportent ou non un atome d'azote dans un hétérocycle.
- Les alcaloïdes vrais : ils dérivent d'acides aminés et comportent un atome d'azote dans un système hétérocyclique. Ce sont des substances douées d'une grande activité biologique, même à faibles doses. Ils apparaissent dans les plantes, soit sous forme libre, soit sous forme d'un sel, soit comme N-Oxide.
- Les proto-alcaloïdes : ce sont des amines simples, dont l'azote n'est pas inclus dans un hétérocycle. Ils dérivent aussi d'acides aminés.
- Les pseudo-alcaloïdes : ils ne sont pas dérivés d'acides aminés. Ils peuvent cependant être indirectement liés à la voie des acides aminés par l'intermédiaire d'un de leurs précurseurs, ou d'un de leurs postcurseurs (dérivés). Ils peuvent aussi résulter d'amination, ou de réaction de transamination dans une voie connectée avec les précurseurs ou les postcurseurs d'acides aminés.
Historique
La connaissance et l'usage des plantes à alcaloïdes, comme le pavot à opium ou l'aconit, sont très anciens, mais la connaissance de leurs substances actives ne date que du début du XIXe siècle.
1803 Charles Derosne, pharmacien et industriel français est le premier à isoler un alcali végétal en extrayant de l'opium un mélange de narcotine et de morphine. Mais il attribue la nature alcaline de sont extrait à des résidus de préparation.
1804 Armand Seguin rapporte avoir trouvé un procédé de préparation de la morphine, mais il ne publie ses résultats qu'en 1814.
1805 En Westphalie, un assistant en pharmacie, Friedrich Sertürner, reconnaît la nature alcaline du principe somnifère de l'opium. Une dizaine d'années plus tard, il le nommera morphium en référence à Morphée, divinité des rêves dans la Grèce antique. Passées inaperçues à l'époque, ces découvertes faites en France et en Allemagne ne sont reconnues qu'en 1817, avec la preuve apportée par Sertürner que la morphine réagit avec l'acide pour former un sel.
1817-1820 Deux pharmaciens français, Pelletier et Caventou, découvrent une impressionnante série de composés actifs : caféine, émétine (de l'ipéca), strychnine (de la noix vomique), quinine et cinchonine (de l'écorce de quinquina).
1819 Le terme "alcaloïde" est créé par un pharmacien de Halle, Whilhelm Meissner (1792-1853).
1870 l'élucidation des structures chimiques des alcaloïdes débute seulement avec celle de la plus simple, la coniine, par Schiff, et certains ne révèleront leur structure qu'à la fin du XXe siècle. Maurice-Marie Janot et ses élèves en isoleront, analyseront et synthétiseront plus d'une centaine, dont en 1953, la structure de la corynanthéine, étape majeure dans le progrès de la chimie des alcaloîdes.